Bibliothèque de droite, romans traduits en français, en bas. Pourquoi cette affreuse jaquette ?
J’ouvre page 165 :
Teresa rentra vers une heure et demie du matin, alla à la salle de bains, enfila un pyjama et s’allongea à côté de Tomas. Il dormait. Penchée sur son visage, au moment d’y poser ses lèvres, elle trouva à ses cheveux une odeur bizarre. Longuement, elle y plongea ses narines. Elle le reniflait comme un chien et finit par comprendre : c’était une odeur féminine, une odeur de sexe.
À six heures le réveil sonna. C’était le moment de Karénine. Il se réveillait toujours bien avant eux, mais n’osait pas les déranger. Il attendait impatiemment la sonnerie du réveil qui lui donnait le droit de bondir sur le lit, de piétiner leurs corps et d’y enfouir son museau. Au début, ils avaient essayé de l’en empêcher et de le chasser du lit, mais le chien était plus têtu que ses maîtres et avait fini par imposer ses droits. D’ailleurs, Tereza constatait depuis quelques temps qu’il n’était pas désagréable de commencer la journée à l’appel de Karénine. Pour lui, l’instant du réveil était un bonheur sans mélange ; il s’étonnait naïvement et bêtement d’être encore de ce monde et s’en réjouissait sincèrement. En revanche, Tereza s’éveillait à contre cœur, avec le désir de prolonger la nuit et de ne pas ouvrir les yeux.

L’insoutenable légèreté de l’être. Milan Kundera. Traduit du tchèque par François Kérel.
Éditions Gallimard. Du Monde entier. 1984.
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