Ce 16 février, la brique de Stephen Jay Gould, c’était le millième livre.
Et malgré cela, il en reste. je n’en vois pas le bout.
Ce moment de la fin d’après-midi où il me faut monter, ou descendre, tourner une fois ou deux sur moi-même, fondre sur un rayon, saisir un livre – puis vérifier s’il n’a pas déjà eu son quart d’heure de célébrité … prendre la photo, la recadrer, lui donner un peu de peps …
(je peux décrire tout le processus ? non ? bien, je passe.)
… ouvrir, au hasard, page tant, poser les yeux sur un début de phrase, copier.
mille fois. le fragment magnifique. le dialogue insipide. la coïncidence magique. la phrase odieuse. n’importe. je n’ai pas le choix. quand on se promène, on ne choisit pas ce que voient nos yeux. ça tombe du ciel. le miel ou l’excrément. qui suis-je, d’ailleurs, pour juger ?
Chaque ligne est un événement minuscule, qui résonne et réseaute, aussi volatile qu’un regard croisé dans la rue. une chose ajoutée à la multitude indénombrable des choses. (j’ai parlé des hasards et des coïncidences dans un des articles non classés — ceux qui ne comptent pas dans le compte). conversations entre les livres, clin d’œil aux avatars du monde, collision avec une conversation en cours, croisement avec les choses de ma vie.
Rien n’est mode d’emploi, mais ça circule dans l’échange universel, dans le trafic sans répit des savoirs et des querelles qui accompagne, qui est, l’humanité. chacun ses livres. la toute petite étagère avec trois ou quatre livres, aimés, choisis, transmis – vaut autant que le tout des bibliothèques. autrefois, la parole et les techniques de la mémoire, naguère le livre et ses matières, aujourd’hui l’électron et les cristaux liquides — et nous ne perdons jamais au change, puisque tout se conserve.
Je continue. ça compte les jours comme une horloge.
Avec un clin d’œil à Hervé Gasser, qui est sensible au hasard, et au baroque des bibliothèques…https://hervegasser.com/2020/02/11/dieu-du-livre-senfuit-en-coulant/
Illisible. 2016 (photo D.B.G.)